Monday, January 27, 2014

La salle à manger



Crédit: fashionmagazine.com

Mon ami Mathieu a écrit une très belle critique sur le resto La Salle à Manger! Merci Mathieu!


* dring dring* (le téléphone sonne)
- La salle à manger bonjour !
- Oui bonjour, je voudrais faire une réservation pour mardi prochain 20h.
- Pas de problème. Votre nom ?
- Mathieu Trépanier
- Comment ?
- Tré-pa-nier.
- Pardon, mais vous ne sonniez pas comme un Trépanier. Ha ha.
- Ha bon ?

Tu vois, ami lecteur, ami gastronome, j’ai le sens de l’humour donc c’est cool. Je me dis qu’ils doivent peut-être, en plus d’être fins cuistots, jouir aussi par le verbe ce qui –tu en conviendras, oui toi Ô complice concupiscent– n’est pas incompatible. Après tout, tout cela vient de la Bouche et qui n’a pas de tendresse particulière pour les plaisirs buccaux ?

Donc. Mardi 20h. Il fait -1000. Nous marchons au pas de course pour échapper à la morsure du froid. Nous arrivons en avance. Dans les circonstances, le restaurant est pratiquement vide, il était probablement inutile de réserver.

-          Bonjour, nous avons une réservation pour 20h.
-          Oui. Stéphanie c’est ça ?
-          Non... Mathieu.
-          Si vous voulez bien me suivre.

Là, j’avoue que je commence à me demander si je n’ai pas atterri par hasard dans une pièce de Ionesco. Ce n’est pas désagréable, la Dame de la maison et moi nous en amusons. Innovation niveau service ou manifestation d’humour bobo, comment savoir ? N’habitant plus sur le Plateau-Mont-Royal je ne suis pas très au courant du zeitgeist. Mais bon, je digresse.

Une fois assis nous regardons enfin les lieux. L’endroit est avenant et baigne dans une belle lumière à laquelle la noblesse discrète du bois pâle du mobilier qui parsème la salle ajoute une légère teinte cuivrée, mais pas trop. Les yeux sont ravis. Ne pas trop en faire, voilà le Vietnam de notre époque point de vue déco de resto. Mais bon, c’est un autre débat. De grands tableaux noirs sont installés sur les murs où le menu du jour est inscrit à la craie. Des mots comme « Râbles de lapin » ou « Surf & Turf » y sont écrit. La Dame de la maison frissonne à l’idée de manger surf & turf. Elle insiste, se tord sur sa chaise, dénude son épaule et miaule. Je cède immédiatement. La salle à manger porte bien son nom. Les lieux évoquent la proximité et la convivialité d’un petit restaurant de quartier, tout en faisant montre d’une touche de raffinement subtil. Il y a un je-ne-sais-quoi de dépouillé dans le décor. J’aime assez.

Avant d’attaquer le gros œuvre, nous optons pour la douzaine d’huitres en entrée. La chose est joliment présentée sur une planche de bois avec en accompagnement une mignonette de vinaigre de vin aux échalotes, du citron et une sauce épicée style tabasco (je n’ai jamais compris l’intérêt du tabasco avec les huitres. Si vous tenez à tout prix à en masquer totalement le goût, mangez autre chose). Les bestioles sont charnues et goutées. Nous nous vautrons dedans sans ménagement.

Nous demandons à notre serveur (un cousin de là-bas, aimable et très présent) de nous conseiller niveau vin. Il a, paraît-il, un « super vin », naturel, bio, venant de vignes poussant sur les flancs de l’Etna, cultivé par un Hollandais fou. Sur le coup, son argumentaire est très efficace. Nous nous laissons convaincre. Faute grave. Le vin, un « Contadino 8 » 2010 est un espèce de machin étrange à saveur de fraise des bois et de rhubarbe. La couleur imprécise tire entre le blanc et le rouge et ça picote dur en bouche comme un vin trop jeune. « Normal, c’est pour compenser l’absence de truc machin » nous dit le serveur en détournant un peu le regard. Il ajoute : « les autres années il n’était vraiment pas bon, mais là ça va ». Avec le recul, je me dis que tous les signes étaient réunis pour refuser ce vin et en commander un autre. Par faiblesse et bêtise personnelle, la Dame de la maison et moi décidons d’affronter tout de même cette vinasse qui restera le GROS bémol de la soirée (note à moi-même : tu es grand maintenant, tu peux choisir tes vins tout seul). 

Le plat principal, un surf & turf pour deux est apporté dans une grande assiette de service. Un second serveur (ou un cuistot, je ne sais pas) dresse nos assiettes à notre table, un peu à la russe, ce qui est assez rare à Montréal. Le plat est composé d’une merveille de pétoncle grillé (charnu, gouteux, émouvant), d’un filet de porc braisé honnête mais vague (on l’oublie après l’avoir mangé), d’un tartare de poisson honnêtement réalisé mais sans saveur et d’un chili servi avec nachos au cheddar. Les nachos baignant dans la sauce étaient ramollis et le chili manquait sérieusement de couilles. Tout ça est même un peu bourratif et mou du genou.

Dessert ou pas dessert ? Pas dessert. La maison nous offre quand même un morceau de quatre-quarts. Gentille attention.

Que retenir ? Que l’endroit est chouette, beau, agréable. Le service y est impeccable, décontracté et souriant. Pour le reste je ne sais pas quoi en penser. En rédigeant cette chronique, j’ai fait le tour de la toile pour voir un peu les autres propositions de la Salle à manger. Le surf & turf que nous avons mangé était oubliable et semblait bien terne face aux plats appétissants pris en photos par les autres blogueurs. 200$ plus tard je me dis avec amertume qu’on aurait dû aller au Leméac ou dans un de ces restos fascinants comme le Bouillon Bilk. J’ai l’impression d’une fausse note. Malgré tout je retournerais certainement à la Salle à manger car j’ai l’impression d’être passé à côté du vrai truc, c’est-à-dire un restaurant qui vaut vraiment plus que ça.

Bouffe: 6
Service: 9


La Salle À Manger on Urbanspoon

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